Voici un courrier envoyé ce jour à la clinique où mon fils s’est fait opérer.
A l’attention du personnel en charge de la satisfaction des patients,
Madame, Monsieur
Je suis Audrey, la maman de Jack (15 mois) qui s’est fait opérer dans votre clinique (pour un testicule non palpable) il y a un mois. Nous sommes rentrés à l’hôpital à midi et ressorti le lendemain à 10h.
Lors de son admission pour l’hospitalisation, vous nous avez remis un formulaire de satisfaction. Ce formulaire m’amène à penser que vous vous inscrivez dans une démarche d’amélioration du service rendu et de la qualité des soins et d’accueil dans votre structure. C’est pourquoi je me permets de vous écrire cette lettre car notre séjour dans votre service m’a laissé perplexe et m’a amené à me demander si vous aviez l’occasion d’avoir de vrais retours sur le vécu des familles et des patients qui séjournent dans votre clinique. Vous trouverez donc ici la façon dont j’ai vécu cette hospitalisation de mon fils qui reste heureusement une hospitalisation banale et routinière.
Aspect Médical
Du point de vue médical, je ne suis pas en mesure de jugher si mon fils a reçu les soins qu’il fallait compte tenu de sa situation et je fais entièrement confiance à vos compétences. Toutefois, je suis en mesure de voir que la cicatrisation se passe bien, qu’il n’y a pas eu de complications et qu’il s’est remis très vite de cette intervention. Comme le chirurgien nous l’avait indiqué lors de la visite pré opératoire, le lendemain, il marchait, courrait, escaladait comme si de rien n’était.
Du point de vue humain, j’ai par contre était beaucoup plus désappointée, voilà pourquoi je tiens à vous faire partager comment j’ai vécu cette hospitalisation de mon enfant.
Avant l’opération
Mon mari, Jack et moi-même sommes arrivés à la clinique à 12h (pour une opération qui avait lieu à 15h). Après un passage aux admissions, nous sommes montés au 3ème étage où nous avons été accueillis puis installés dans la chambre 314. Il s’agit d’une chambre individuelle, petite mais fonctionnelle compte tenu du temps que nous devions y passer. Très rapidement l’éducatrice est passée et nous a fourni des jouets pour Jack en fonction de ce qu’on avait convenu ensemble et l’attente s’est passé sans heurt particulier entre la chambre et la salle de jeu bien fournie. A 14h15 nous avons douché Jack dans la nurserie, puis nous sommes revenus dans la chambre où Jack en body, fatigué et affamé, a fini par s’endormir dans les bras de son papa.
L’opération
A 15h, un brancardier est arrivé avec un « berceau » pour monter notre fils au bloc. Ce « berceau » m’a plus évoqué une cage métallique et froide de couleur agressive. Et vu la réaction de mon fils, je pense qu’il partageait mon avis. Dès que nous l’avons posé il s’est mis à hurlé en s’accrochant aux barreaux. Comment aurait-il pu en être autrement ? Il est dans un lieu inconnu, entouré d’inconnus, nous sommes ses seuls points de repère et nous l’arrachons de nous pour le poser dans ce « berceau ». Heureusement, l’éducatrice passait par là et nous a proposé de le monter au bloc dans ses bras. Bien qu’il n’avait vu cette personne qu’une fois, il s’est de suite arrêté de pleurer et il est monté au bloc sans pleurs, un peu hagard mais rassuré par ce contact humain.
Pour nous, parents, les 3 heures suivantes nous ont paru interminables. Avant l’opération, ainsi qu’à notre arrivée, le personnel avait donné à peu près les mêmes informations. Notre fils resterait maximum 45 minutes en salle d’opération, puis il irait en salle de réveil. Il serait donc sans nous environ 1h30. Cette information avait été très importante pour moi. Au pire, mon fils serait conscient de notre absence 45 minutes. Alors quand au bout de 1h30, 2h, 3h, vous n’avez pas d’information sur votre enfant malgré vos demandes, vous ne pouvez être qu’inquiet. Pourquoi est-ce que cela dure aussi longtemps ? Y a t’il un soucis ? Pourquoi le personnel de l’étage n’a aucune information et ne semble pas avoir envie d’en demander ? J’aurais préféré qu’on nous donne une estimation de cette durée « sans nous » plus pessimiste voire aucune estimation… Si nous avions su que cela pouvait durer plus de 3h, nous nous serions également organisés autrement pour faire garder nos deux autres enfants afin que le papa ait le temps de consoler son fils à son retour et lui montrer qu’il était présent.
Retour dans la chambre
Comment Jack a vécu ces 3 heures sans nous ? Nous n’en saurons rien. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il a vécu en fonction de ce qu’il m’a été expliqué avant l’opération et l’état de mon fils à son retour. J’ai vu mon fils arriver avant qu’il ne nous voit. Il était assis au milieu de ce « berceau », visiblement perdu, le regard dans le vide, les traits tirés, dans une main son doudou, dans une autre le jouet avec lequel il était monté au bloc. Quand il nous a vu, il s’est de suite mis debout. En hurlant, paniqué, il s’est accroché aux barreaux de son lit. Il a ensuite littéralement grimpé sur son père et ne voulait plus le lâcher. J’ai de suite remarqué qu’il avait la voix cassée (est-ce que cela pouvait être dû à l’intubation ?). Une de ses oreilles était toute rouge et griffée. Il avait également des griffures dans la tête. J’en déduis assez facilement qu’il a beaucoup pleuré et qu’il était complètement paniqué. La nuit et les jours suivants me l’ont confirmé. Il a eu beaucoup de mal à s’endormir, il ne s’endormait que dans les bras, et dès qu’il se réveillait il avait besoin de nous pour retrouver son sommeil. J’ai passé une bonne partie de la nuit à le garder dans mes bras ou a lui dire « C’est bon Jack, je suis là » à chaque fois qu’il ouvrait un oeil.
Nous n’avons eu aucun retour, sur ces 3 heures, autre qu’un compte rendu « technique » qui tient en maximum 3 phrases et donné par le chirurgien lors de sa visite dans la soirée. Pour le reste, nous n’avons eu aucun retour ni le jour même, ni le lendemain.
Une nuit à la clinique
Et alors que le plus dur était passé, j’ai trouvé la nuit longue et interminable. C’est au cours de cette nuit que j’ai vraiment eu l’impression de ne pas être dans un lieu adéquat pour un enfant qui avait besoin de repos.
Tout d’abord, on ne nous avait pas dit que Jack aurait une perfusion sur une main et une sonde sur le pied opposé. Je n’avais prévu qu’une turbulette et un pyjama pour le garder au chaud pendant la nuit et je me suis trouvé dans l’incapacité de les lui enfiler. Je n’avais pas pensé à lui prendre une couverture et encore moins que la clinique ne m’en donnerait pas.
Ensuite, les attentes du personnel m’ont paru inappropriées. J’ai du insister pour qu’on chauffe le biberon de mon fils a ma place parce que je ne voulais pas le laisser hurler dans la chambre pour aller à l’autre bout du couloir (je ne pouvais pas le prendre avec moi étant donné qu’il était accroché à la perfusion et au moniteur et de toute façon je ne l’aurais jamais laissé seul sans surveillance dans une chambre ou quiconque peut rentrer comme bon lui semble). On m’a demandé de ne pas garder mon fils dans les bras pour qu’il dorme. Si je comprends le bien fondé de cette remarque (mon fils aurait pu tomber de mon lit), je ne comprends pas qu’on s’attende à ce qu’il arrive à s’endormir comme un charme dans cet endroit inconnu dans ce « berceau » froid après une opération qui reste éprouvante. Même le poser dans le berceau une fois endormi était un vrai challenge pour ne pas le réveiller (descendre de mon lit, le poser dans son berceau, placer les différents câbles correctement pour ne pas qu’il soit gêné, relever les barreaux, essayer à ce que le système de fermeture ne fasse pas trop de bruit pour ne pas l’effrayer, me remettre dans le lit, etc…), je n’y suis que 2 ou 3 fois et jamais du premier coup. Et quand j’y parvenais, peu de temps après le personnel soignant passait pour relever ces deux fameux chiffres sur le moniteur relié à son pied ce qui n’a jamais manqué de réveiller mon fils aux aboies.
Ce moniteur a aussi contribué à notre mal être. Mon fils dort dans le noir chez nous, surtout la nuit (je ne connais d’ailleurs pas grand monde qui dorme autrement). Alors c’est sûr que de se retrouver avec un moniteur juste au dessus de sa tête ( qui diffuse une lumière bien agressive et qui sonne dès qu’il bouge un peu trop dans son lit) n’a pas aidé mon fils à s’endormir sereinement et à rester endormi.
Ce que j’aurais aimé
Alors nous étions contents tous les deux de ne passer qu’une seule nuit dans la clinique. Je n’ai pas arrêté d’essayer d’imaginer ce que les enfants et les parents qui doivent rester plus longtemps, pour des opérations beaucoup plus compliquées que la notre, devaient vivre .J’ai pourtant le sentiment qu’il ne m’aurait pas fallu grand chose pour me sentir moins mal à l’aise.
Quand mon fils est parti au bloc, j’aurais aimé avoir le sentiment de le confier à quelqu’un. On y était presque puisque l’éducatrice nous a proposé de le récupérer dans le berceau où il hurlait pour le monter dans ses bras au bloc. Cela là de suite calmé d’ailleurs. Malheureusement cela n’a pu être possible que par un concours de circonstance et une fois au bloc j’imagine qu’elle n’est pas restée. Il nous est revenu seul dans son berceau. J’aurais aimé voir le visage de la personne qui était là à son réveil et qu’elle nous le ramène dans ses bras. Ce serait beaucoup plus humain et cela permettrait une transmission rapide en quelques mots et un sourire (il va bien, il est déboussolé, il a beaucoup pleuré mais maintenant ça va aller). J’aurais eu l’impression qu’il a été entre de bonnes mains et qu’on s’est occupé de son bien être autant physique qu’émotionnel. Alors qu’en le récupérant dans son berceau hagard, je me suis demandée combien de temps il avait passé dans ce berceau à se demander où il était, et où nous étions.
J’aurais aimé que le personnel de l’étage puisse nous dire s’il était sorti du bloc ou non pendant les heures d’attente.
J’aurais aimé que mon fils se sente rassuré dès qu’il nous retrouve et que je puisse le garder en toute sécurité à portée de main (et de caresse) toute la nuit. Nous ne faisons pas partie des parents qui pratiquent le cododo et dorment avec leur enfants dans le lit. J’ai pourtant connaissance de l’existence de lits adaptés qui permettent de dormir près de son enfant sans risque (version berceau de maternité : http://www.kododo.fr/fiche-produit-berceau-maternite, mais il existe le même genre de dispositif avec des lits à barreau). En suivant ce principe, il suffirait de pouvoir mettre à même niveau les berceaux existant de la clinique et le lit des accompagnants et de les accrocher ensemble pour concilier la sécurité physique de l’enfant et son besoin de contact après l’opération.
J’aurais aimé que le côté « médical » de sa surveillance nocturne soit moins présent. La perfusion n’était apparemment pas « indispensable » puisqu’aux dires du personnel de la clinique, elle ne fonctionnait pas sur mon fils, mais je conçois qu’elle aurait pu être utile. J’imagine également que suivre son rythme cardiaque et son oxygénation était aussi nécessaire. Mais, aurait-il été possible d’espacer un peu plus les relevés de valeur ? Aurait-il été possible de placer le moniteur au pied du berceau plutôt qu’à sa tête pour que mon fils n’ait pas la lumière en pleine tête et pour que le personnel soignant n’ait qu’à passer la tête discrètement pour prendre ces deux valeurs ?
J’aurais aimé que le côté humain de cette hospitalisation me donne envie de vous remercier sincèrement de votre aide et de votre soutien, d’admirer votre travail et votre courage. Je suis consciente qui ce qui est quelque chose d’exceptionnel pour les patients et leur entourage est le quotidien de votre personnel. J’imagine très bien le courage qu’il faut pour aller travailler tous les jours dans un contexte comme cela où les tâches, pas toujours gratifiantes se succèdent et les personnes que l’on soigne ne prennent pas toujours la peine de vous remercier (trop pris dans leur hâte de fermer la page de leur maladie). Mais j’ai du mal à croire que la solution pour y arriver était de se détacher complètement du côté humain si difficile à gérer mais aussi si important pour les malades et leurs soignants.
La clinique est un endroit où on vous aide à guérir, ou on vous soigne. Cela devrait être un soulagement d’y aller quand on sait que l’on va en sortir guéri et non une appréhension, une épreuve par laquelle on doit passer coûte que coûte.
Je vous remercie d’avoir pris la peine de lire mes impressions. Et je vous remercie pour l’aide apportée à mon fils. Je n’avais pas pu vous remercier au moment de notre sortie puisque comme vous l’aurez compris j’avais hâte de sortir de votre clinique, tellement j’ai subi cette hospitalisation de mon fils comme une contrainte inévitable. Mais je vous suis reconnaissante des soins médicaux apporté à mon enfant.
En espérant que ce courrier puisse être utile,
Cordialement,
Audrey