Un article sur les vendredis intello Etre « agile » en famille m’a rappelé que je voulais depuis un moment parler de la façon dont mon travail a influencé ma façon de gérer ma famille. J’avais déjà parlé des qualités qu’on acquiert en tant que parents et qui deviennent de véritable atouts dans le monde de l’entreprise : Est-ce que mère rend inapte au travail !
Je travaille dans le domaine du développement informatique. Il existe autant de méthode de développement informatique que d’entreprise travaillant dans ce domaine mais depuis un certain temps on entend parler d’agilité. L’agilité dans l’informatique se base sur 4 valeurs (voir l’article Wikipedia sur le sujet) :
- L’équipe (« Les individus et leurs interactions, plus que les processus et les outils ») : dans l’optique agile, l’équipe est bien plus importante que les outils (structurants ou de contrôle) ou les procédures de fonctionnement. Il est préférable d’avoir une équipe soudée et qui communique, composée de développeurs (éventuellement à niveaux variables), plutôt qu’une équipe composée d’experts fonctionnant chacun de manière isolée. La communication est une notion fondamentale.
- L’application (« Des logiciels opérationnels, plus qu’une documentation exhaustive ») : il est vital que l’application fonctionne. Le reste, et notamment la documentation technique, est une aide précieuse mais non un but en soi. Une documentation précise est utile comme moyen de communication. La documentation représente une charge de travail importante, mais peut pourtant être néfaste si elle n’est pas à jour. Il est préférable de commenter abondamment le code lui-même, et surtout de transférer les compétences au sein de l’équipe (on en revient à l’importance de la communication).
- La collaboration (« La collaboration avec les clients, plus que la négociation contractuelle ») : le client doit être impliqué dans le développement. On ne peut se contenter de négocier un contrat au début du projet, puis de négliger les demandes du client. Le client doit collaborer avec l’équipe et fournir un compte rendu continu sur l’adéquation du logiciel avec ses attentes.
- L’acceptation du changement (« L’adaptation au changement, plus que le suivi d’un plan ») : la planification initiale et la structure du logiciel doivent être flexibles afin de permettre l’évolution de la demande du client tout au long du projet. Les premières livraisons du logiciel vont souvent provoquer des demandes d’évolution.
Comment on transpose cela à la famille et à l’éducation ?
- L’application=le déroulement du quotidien de la famille
- La collaboration=l’implication de chaque membre de la famille
- L’acceptation du changement
Des méthodes issues des principes agiles, j’ai gardé et appliqué quelques outils dans ma famille.
Timebox
Un projet est soumis à de nombreuses contraintes : coût, temps, périmètre.
- Soit on travaille à périmètre constant : on considère que le produit ne peut être livré que quand toutes les fonctionnalités sont disponibles et souvent les projets dérapent, prennent plus de temps et coûtent plus chers que prévu.
- Soit on travaille à temps constant : si les tâches sont plus longues à être exécutées que prévu, on doit réduire le périmètre. Pour que cette méthode soit efficace il faut définir la priorité de chaque tâche et quand on estime qu’elle est terminée.
A la maison c’est pareil, il y a toujours quelque chose à faire et on se laisse vite monopoliser par une tâche en particulier, remettant les autres à plus tard (c’est à dire quand celle en cours sera terminé). Résultat, on a souvent l’impression d’être en retard, de n’avoir jamais fini. Comment j’applique ça chez moi ?
Un exemple concret : le repassage. Avec 3 enfants et 2 adultes à la maison, on peut passer des heures à repasser chaque semaine. Le moment où je repasse c’est le soir, une fois que les enfants sont couchés. Le soucis, c’est que j’avais tendance à passer ma soirée dessus, mais comme je voulais quand même pouvoir me détendre un peu après, je me couchais plus tard et je rognais sur ces précieuses heures de sommeil dont chaque parent est en carence. La solution : me fixer un créneau de 45 minutes de repassage, ni plus, ni moins. Tant pis si je n’ai pas fini, je referais une autre séance plus tard.
Un autre exemple : la préparation des enfants le matin. Chaque matin se déroulait pareil, je pensais mon temps à répéter à mes enfants de se préparer, d’arrêter de jouer et de rester concentrer sur le fait de se préparer. Résultat, je finissais par les habiller, et une fois l’heure d’aller à l’école, c’était pleurs et cris parce que je leur avais communiqué mon stress et parce qu’ils n’avaient pas eu le temps de jouer. La solution : j’ai passé un contrat avec eux, ils disposeraient tous les matins de 20 minutes de jeux entre le moment où ils sont prêts et le moment de partir à l’école. Ces 20 minutes de jeux étaient précédées de 20 minutes pour se préparer seuls. Si ils mettaient moins de temps, ils pouvaient jouer plus. Si ils n’avaient pas fini de s’habiller, ils avaient un peu moins de temps de jeux et je les aidais à terminer de se préparer. Comme à 3 ans et 5 ans il n’est pas évident de se rendre compte du temps qui passe, j’ai investi dans un timer spécial qui permet de visualisé le temps restant et sa diminution. Et ça marche très bien. Ils arrivent à se concentrer sur leur tâche car ils savent que si ils sont distraits, ils ne pourront pas terminer et profiter de leur temps de jeu. Cela marche si bien, que nous n’avons plus besoin du timer.
Prioriser
Plutôt que de prendre les tâches les unes après les autres comme elles arrivent, le principe est de prioriser chaque tâche. Les éléments à prendre en compte quand on priorise dépendent de chacun mais ce qui est particulièrement efficace c’est de prendre en compte : le gain espéré à accomplir une tâche par rapport au temps et à l’effort qu’il faudra pour l’accomplir.
Un exemple : l’état de ma cuisine ne me satisfait pas, les murs sont en mauvais état, elle n’est pas rangée, les poubelles traînent, la vaisselle n’est pas faite. L’idéal serait de tout faire, bien évidemment. Mais que vaut-il que je fasse en premier entre : repeindre ma cuisine qui me prendra deux jours mais cela sera du plus bel effet ou sortir les poubelles qui me prendra 5 minutes et m’évitera de me prendre les pieds dedans ?
Un autre exemple : je n’ai pas beaucoup de temps pour repasser. Certains vont gérer leur priorité et décider de ne rien repasser, mais je ne peux pas m’y résoudre. Donc je sais que j’ai un créneau de 45 minutes de repassage, au lieu de prendre le linge comme il vient dans la panière, je commence par ce qui sera le plus utile (parce que j’en ai besoin pour le lendemain, parce que l’un des membres de la famille n’a plus rien dans ses placards, etc.) et je m’arrête à la fin de mes 45 minutes comme prévu initialement.
Un dernier exemple qui s’applique aux enfants. L’année dernière à Noël, Lise a été très déçue car elle n’avait pas eu tous les cadeaux de sa liste alors qu’elle avait eu pleins d’autres cadeaux qu’elle n’avait pas demandé (enfant gatée). Donc nous leur avons fait faire une liste restreinte et priorisé. Cette liste avait la forme d’une fleur avec un élément central qui devait être le cadeau dont ils avaient le plus envie, et 6 autres cadeaux sur les pétales. Ils ont découpé dans le catalogue tout ce qui leur faisait envie, et ensuite ils devaient restreindre leur liste pour arriver à remplir la fleur. J’ai été très surprise de voir que cela n’engendrait pas beaucoup de frustration de gérer les priorités et de mettre de côté certains éléments au profit des autres.
Construction itérative, incrémentale et adaptive
Quand j’étais toute jeune mère, j’ai eu un peu tendance à me dire qu’il fallait que toutes les mesures éducatives devaient être mises en place dès le début pour ne jamais être remise en cause. Mais je me suis rendue compte, qu’il est plus facile et moins frustrant d’avancer petit pas par petit pas plutôt que de ne se considérer satisfaite qu’une fois que tout serait réussi. Il vaut mieux pleins de petites réussites successives qu’un grand accomplissement final sans cesse repoussé.
Un exemple : les repas équilibrés. Quand les bébés commencent la diversification, on a l’impression qu’on y arrivera parce que nos enfants ne sont pas trop difficiles et mangent beaucoup de légumes. Et puis arrive l’âge de deux ans où tout est source d’opposition, y compris les repas. Ça a été une source de beaucoup de frustration pour moi, et j’avais tendance à me dire que si on échouait maintenant, plus jamais ils ne mangeraient équilibré. La suite est facile à imaginer avec du recul : pression exagérée, stress communiqué et échec complet. Résultat : des enfants qui ne mangent plus équilibré, et la perte du plaisir de manger. La solution a été d’y aller progressivement :
- montrer le bon exemple au niveau des menus, sécuriser la prise de poids par certaines valeurs sûres (pâtes, purées, etc.).
- inciter à goûter et féliciter quand cela se produit.
- obliger à goûter de tout.
Cela fonctionne, et c’est très gratifiant pour les adultes qui emportent de petites victoires, pour les enfants dont les efforts sont reconnus.
Un autre exemple : l’autonomie. Plutôt que de décider qu’à partir de maintenant ils doivent s’habiller et se préparer seuls. Commencer par imposer ce qui est plus facile : pantalons. Pour aller jusqu’au plus complexe : chaussettes, T-Shirts.
Il y a sûrement d’autres outils qui peuvent s’appliquer mais mes enfants sont encore trop jeunes pour mettre en place des tableaux de bords, par exemple.